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Environnement: le « projet de société » de Nicolas Hulot

18/07/2017  |   |   | 

Le ministre, qui a remis sa feuille de route au premier ministre le 15 juin, veut que l’écologie aille au-delà de son ministère et devienne une orientation globale pour l’ensemble du gouvernement.

C’est une feuille de route ambitieuse que le ministère de la transition écologique et solidaire a transmise aux services du premier ministre. Pas moins de dix priorités, de l’énergie à l’économie circulaire, des océans et la biodiversité jusqu’à l’agriculture, sans oublier la finance verte ou l’innovation sociale et solidaire. Nicolas Hulot entend faire de l’écologie non pas une prérogative de son ministère, mais une orientation globale pour l’ensemble du gouvernement. Il propose « un projet de société » passant par la transformation de l’ensemble des secteurs économiques.

Le document transmis à Matignon le 15 juin, que Le Monde a pu lire, affirme d’emblée l’ambition : « Une stratégie nationale et interministérielle ». Cette dimension a été confirmée par le chef de l’Etat lui-même. En concluant les travaux de la conférence sur « le pacte mondial pour l’environnement », samedi 24 juin, à l’université parisienne de la Sorbonne, Emmanuel Macron a affirmé la nécessité « d’une forte volonté politique relayée par l’ensemble du gouvernement ».

Le ministère de la transition écologique et solidaire promeut « la transformation du modèle agricole français »

« Nous allons décarboner la production d’énergie, soutenir le prix du carbone, développer la finance verte, mobiliser les financements publics et privés, intégrer le changement climatique dans le commerce international et dans nos modes de production, maintenir les énergies fossiles dans le sous-sol, a promis le président de la République. Tout cela, ce sera la feuille de route que la France annoncera avant la fin du mois de juillet pour sa politique nationale et européenne. »

Mais il faut encore en attendre la rédaction finale. Et la synthèse que doivent réaliser les services du premier ministre n’est pas aisée. Chaque ministère a présenté ses priorités. Matignon doit rendre celles-ci cohérentes afin que les orientations affichées par la transition 

écologique ne soient pas contradictoires avec celle de l’économie ou de l’agriculture. S’agissant de cette dernière, par exemple, le ministère Hulot promeut « la transformation du modèle agricole français », un concept que ne défendra peut-être pas de la même façon le ministère de l’agriculture.

A l’issue de cet exercice qui permettra au chef du gouvernement de nourrir sa déclaration de politique générale, le 4 juillet, les feuilles de route seront retournées, dûment corrigées, aux différents ministères, au plus tard fin juillet ; ceux-ci déclineront alors les objectifs pour chacune de leurs directions centrales. Voici des éléments de la feuille de route du ministre Hulot.

  • Energie et climat

L’ambition affichée est très forte : « Viser la neutralité carbone à l’horizon 2050. » L’objectif va au-delà de la loi de transition énergétique d’août 2015, qui prévoit de diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre de la France au milieu du siècle, par rapport à leur niveau de 1990, avec une première baisse de 40 % d’ici à 2030.

Il va aussi plus loin que l’accord de Paris issu de la COP21, selon lesquels les Etats devront parvenir à un équilibre entre émissions et absorptions « au cours de la deuxième moitié du siècle ». La neutralité carbone ne signifie pas que la France devra avoir réduit à zéro ses rejets de CO₂, mais qu’elle devra compenser ses émissions résiduelles par des puits de carbone (forêts ou systèmes de séquestration), qui restent à préciser.

Pour y parvenir, M. Hulot veut notamment que la France s’affranchisse des énergies fossiles. Cela exigera « l’interdiction de tout nouveau projet d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures ». Le ministre mettra donc son veto à toute nouvelle recherche d’hydrocarbures. Sans revenir pour autant sur les permis déjà accordés.

Les ONG environnementales risquent en revanche de rester sur leur faim sur le volet nucléaire. Certes, la loi de transition énergétique, qui projette une baisse de 75 % à 50 % de la part de l’électricité tirée de l’atome à l’horizon 2025, reste le fil rouge. Nicolas Hulot va là encore un peu plus loin que le gouvernement précédent, en « planifiant une trajectoire de diminution de la part du nucléaire ambitieuse et pragmatique ». Mais, à ce stade, il ne fait état ni du nombre de réacteurs à fermer ni d’un calendrier précis.

  • Biodiversité

Le ministre veut s’appuyer sur la mise en œuvre de la loi de « reconquête » de la diversité du vivant d’août 2016, mais aussi « atteindre les objectifs internationaux d’Aichi d’ici 2020 ». Il s’agit des objectifs que les pays se sont donnés en 2010, lors de la COP de la biodiversité tenue au Japon, pour la période 2011-2020.

Pour l’instant, malgré les engagements internationaux en faveur de la faune et de la flore sauvages, des milieux naturels continentaux ou des océans, tous les indicateurs sont au rouge. Le bilan de la France est lui-même « mitigé », selon le Fonds mondial pour la nature. M. Hulot propose de mener à bien, en quelques années, un énorme chantier.

Il n’est pas sûr que sa première décision dans ce domaine en soit une bonne illustration. Il a en effet cosigné, le 14 juin, un arrêté autorisant « la destruction de deux loups » par des tirs de défense, ce qui porte à 40 le nombre de canidés pouvant être légalement abattus durant l’année. Il aura fort à faire pour convaincre éleveurs d’ovins et défenseurs des loups de« sortir de l’affrontement » sur les grands prédateurs, comme sa feuille de route en pose le principe.

  • Santé environnementale

Le ministère affiche l’ambition de ramener en deçà des seuils européens les taux de pollution de l’air, d’ici cinq à dix ans. Notamment en accompagnant les collectivités qui le souhaitent vers la fin du diesel dans les centres urbains, et en renforçant les contrôles sur les émissions des véhicules. Sur la question des substances dangereuses (pesticides, perturbateurs endocriniens, nanomatériaux), nul mystère : les mesures d’interdiction dépendront de la réglementation européenne, encore en discussion dans le cas des perturbateurs endocriniens.

Pour accélérer la mise en œuvre du plan « Ecophyto », qui vise une division par deux du recours aux pesticides d’ici 2025, les activités de conseil technique et de vente des produits phytosanitaires aux agriculteurs seront séparées : c’était une promesse de campagne du candidat Macron. Tout comme la volonté de voir évoluer le modèle agricole français vers l’agroécologie, fortement mise en avant dans la feuille de route, et qui implique un verdissement de la politique agricole commune européenne.

Le principe de précaution continuera en outre à s’appliquer aux OGM traditionnels, mais aussi aux plantes issues des nouvelles techniques d’ingénierie du génome. L’objectif de parvenir à 50 % de la nourriture labellisée bio servie en restauration collective est également mis en avant. Et une loi pour la protection des sols destinée notamment à mettre un terme à l’artificialisation des terres agricoles est proposée.

  • Economie circulaire

D’autres domaines sont aussi passés au crible. S’agissant du dialogue environnemental, une nouvelle méthode de gouvernance est proposée, avec des « conférences de consensus sur les territoires », deux fois par an, pour « faire bouger les lignes ». Autres priorités, l’économie sociale et solidaire ou encore l’économie circulaire, « sobre en ressources et riche en emplois »  : les déchets devront être diminués par deux et les plastiques seront recyclés à 100 % d’ici à 2025.

L’ensemble de ces programmes s’appuierait sur un plan d’investissement annoncé à 20 milliards d’euros, dont cinq pour les transports. Chaque année une conférence de financement de la transition devra être réunie. Au-delà, Nicolas Hulot veut favoriser la finance verte et « intégrer dans les lois de finances les conséquences des mesures nécessaires à la transition écologique et énergétique ». Rendez-vous est donc pris dès la rentrée pour le projet de loi de finances 2018.

 

Merci à @lemonde.fr